Après Britannicus de Racine en 2014, le metteur en scène Jean-Louis Martinelli explore un autre grand classique du répertoire français : L'Avare de Molière, comédie en cinq actes rédigée en prose (ce qui ne fut pas du goût de ses contemporains !) à la Maison de la Culture d'Amiens jusqu'au 2 avril 2015.
La pièce, jouée pour la première fois au Théâtre du Palais-Royal le 9 septembre 1668, ne fit pas un triomphe mais la postérité a rendu justice au personnage d'Harpagon. Le vieux rapiat, campé par un Jacques Weber digne de la tâche monumentale, doit faire face à la résistance de ses deux enfants Élise et Cléante, las de son austérité. [Cléante] : "Car enfin peut-on rien voir de plus cruel que cette rigoureuse épargne qu'on exerce sur nous, que cette sécheresse étrange où l'on nous fait languir ?"
Les jeunes gens, emportés l'un et l'autre par l'amour qu'ils éprouvent pour Valère et Mariane - et par la fougue de leur jeunesse - s'entendent pour tenter de soumettre Harpagon à leurs desseins. C'est sans compter sur la fermeté de l'avare, bien décidé à les soumettre aux siens ! Il épousera lui-même Mariane et donnera Élise en mariage au seigneur Anselme....
[La Flèche] : "La peste soit de l'avarice et des avaricieux !" Le conflit des générations est en marche, la force comique de Molière aussi, qui multiplie les quiproquos et les rebondissements. Préoccupé surtout par la cassette de dix mille écus en or enterrée dans son jardin, Harpagon, le tyran domestique, n'a que faire des sentiments de sa progéniture.
Jean-Louis Martinelli a transposé la pièce dans un environnement moderne. Le décor, et surtout les costumes, sont contemporains. Lors de la rencontre organisée avec le public à l'issue de la représentation (très applaudie), le metteur en scène qui a dirigé les théâtres de Lyon, Strasbourg et Nanterre, explique que "sans toucher à la langue de Molière, le désir de possession inextinguible d'Harpagon rapproche la pièce du monde dans lequel nous sommes." Certaines répliques sont d'ailleurs passées dans le langage courant. ([Harpagon] : "Quand il y a à manger pour huit, il y en a bien pour dix" - [Valère] : "Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.")
Le tour de force de cette version, et du jeu tout en nuances de Jacques Weber, est de parvenir à rendre le vieux grippe-sou sympathique. Sans masquer ses horribles travers. "L'intérêt est de travailler sur l'humanité des personnages, et non sur des stéréotypes", précise le metteur en scène qui ajoute avec humour : "ce serait une erreur de penser que les crapules ne sont pas sympathiques, sinon personne ne serait élu !"
Jacques Weber insiste sur le caractère profondément théâtral du texte : "il n'y a pas un mot à changer. Si l'on joue bien les classiques, il me semble qu'ils ont une tonalité moderne." C'est en voyant L'Avare à la Comédie Française lorsqu'il avait neuf ans, que l'envie de faire ce métier lui est d'ailleurs venue : "J'ai senti en moi une sorte d'alien, qui m'a dit que je ferais du théâtre ! Le virus était installé."
Toute la distribution de la pièce est remarquable. Jean-Louis Martinelli précise avoir choisi "un groupe harmonieux qui puisse vivre ensemble dans la durée. Nous travaillons, nous cherchons ensemble durant les répétitions. Avec une autre troupe de comédiens, le spectacle serait tout à fait autre." Jacques Weber, évoquant son horreur de l'improvisation, cite Raymond Devos qui affirmait que plus les choses sont travaillées, plus on se sent libre. À cet égard, la confiance qu'il accorde à son metteur en scène est totale. Et force est de constater que le résultat est à la hauteur.
L'AVARE de Molière
mise en scène : Jean-Louis Martinelli
Avec :
Jacques Weber : Harpagon
Alban Guyon : Cléante
Marion Harlez Citti : Mariane
Rémi Bichet : Valère
Christine Citti : Frosine
Jacques Verzier : La Flèche
Sophie Rodrigues : Élise
Vincent Debost : Maître Jacques
Azize Kabouche : Anselme
Paul Minthe : le commissaire
Scénographie : Taschet
Lumière : Jean-Marc Skatchko
Costumes : Ursula Patzak
Maquillage-coiffure : Françoise Chaumayrac
Dates de la tournée 2015 :
Massy le 3 avril (Opéra-Théâtre) ; Fos-sur-Mer le 14 avril ; Marseille les 17 et 18 avril (Théâtre Toursky International) ; Bastia le 24 avril (Théâtre municipal) ; Béziers les 28 et 29 avril (Théâtre municipal) ; Grenoble les 6 et 7 mai (Théâtre municipal) ; Pully le 12 mai (L’Octogone) ; La Rochelle du 19 au 21 mai (La Coursive) ; Mérignac le 26 mai (Le Pin Galant) ; Privas le 2 juin.