Le musée de Picardie est à l'aube d'un grand chantier de rénovation dont la première pierre a été posée à Amiens le 4 juillet 2016, en présence des élus locaux et de Sabine Cazenave, directeur des musées d'Amiens en partance, qui était élevée à cette occasion au rang de Chevalier des Arts et des Lettres par Philippe de Mester, le préfet de la Somme.
Jusqu'au 22 octobre 2016, une exposition-parcours entre le musée et la Maison de l'Architecture intitulée 1853-2018 Chroniques du Musée de Picardie. Entre loteries et jeunesse retrouvée, retrace en douze sections la vie mouvementée de l'édifice qui fut construit à partir de 1855 grâce à l'argent recueilli lors de quatre loteries organisées par la Société des Antiquaires de Picardie. Créée en février 1836, celle-ci affirmait déjà : "Un musée d'antiquités nationales sera établi à Amiens, siège de la Société ; on y réunira tous les objets d'art et d'histoire qui seront achetés par la Société ou qui lui seront offerts à titre de don."
Napoléon III et la Ville d'Amiens offrent les terrains où sera édifié le musée Napoléon. Envisagé comme "un Louvre de province", il sera le premier "construit sur une grande échelle avec la destination spéciale de musée." Henri Parent, choisi parmi les trente-neuf architectes candidats, est remplacé à partir de 1859 par Arthur-Stanislas Diet. Le peintre d'origine lyonnaise, Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) réalise les décors de l'escalier d'honneur et de la galerie de l'étage, initialement appelée Galerie du Dôme. Le musée est inauguré officiellement en 1867. Deux extensions vont suivre : le Grand Salon en 1887 puis le pavillon Maignan inauguré en 1927.
Entre 1870 et 1945, lorsque la guerre fait rage dans le Nord de la France, les collections doivent être par trois fois protégées ou évacuées. Après la Deuxième Guerre mondiale, une tentative de modernisation est entreprise par Robert Richard, conservateur à Amiens durant presque 40 ans. Ses efforts sont interrompus en 1966 lorsque la Maison de la Culture est inaugurée ; les priorités politiques ont changé.
Le musée connaît une grande phase de rénovation et de restauration à partir des années 80 sous la houlette de l'architecte Jean-Paul Robert. L'artiste américain Sol LeWitt (1928-2007) est sollicité pour réaliser un Wall drawing qui dès 1993, transfigure la Rotonde entre le Grand Salon et les autres salles du rez-de-chaussée. L'évolution est réelle, reste à faire entrer le musée dans le 21e siècle !
Matthieu Pinette, conservateur de 1995 à 2007, puis Sabine Cazenave qui lui succède, planchent l'un et l'autre sur la question. L'enjeu principal de la métamorphose à venir ? Ouvrir le musée sur la ville et le moderniser, tout en respectant ses spécificités originelles. C'est le projet des architectes parisiennes Catherine Frenak et Béatrice Jullien, déjà choisies pour réhabiliter le Familistère de Guise ou le Musée des Invalides, qui a été retenu. Les détails en sont présentés à la Maison de l'Architecture, de même que les propositions recalées, jusqu'au 25 novembre 2016.
D'un montant de 26 millions d'euros, le projet doit permettre la mise en valeur des collections qui se sont enrichies au fil des siècles : "on peut parcourir au Musée de Picardie quelque 300 000 ans d'histoire de l'art en trois heures", précise Sabine Cazenave. L'édifice qui abrite 68 000 oeuvres est entièrement classé au titre des Monuments historiques depuis 2012. Grâce à la nouvelle organisation, il sera (enfin !) possible d'organiser des expositions temporaires au sein du musée, sans avoir à déplacer les collections permanentes.
Pour créer une meilleure circulation entre le bâtiment et les différents sites du centre-ville, la bibliothèque voisine en particulier, l'accueil des visiteurs se fera rue Puvis-de-Chavannes, au niveau du pavillon Maignan revisité, ouvert sur trois jardins et dont le toit sera lui-même doté d'un jardin suspendu.
Une extension contemporaine de 1 500 m² hébergera un auditorium, des bureaux, les services techniques... Une boutique - incontournable valeur-ajoutée - doit aussi voir le jour. Une liaison souterraine reliera espaces logistiques et salles d'exposition. Après d'âpres débats, les grilles resteront finalement à l'avant du bâtiment qui pourra toujours servir d'entrée aux visiteurs abonnés. La signalétique sera revue et harmonisée avec les couleurs des décors intérieurs.
Le musée restera partiellement ouvert jusqu'en juin 2017 puis il fermera ses portes jusqu'à la fin 2019. La jauge fixée pour sa réouverture ("le graal !" selon l'expression de Sabine Cazenave) correspond à son record de fréquentation en 1991 : 90 000 visiteurs. Il faut espérer que tous les publics seront séduits au terme de l'ambitieux chantier, et que la nouvelle vie du Musée de Picardie, qui en a déjà vécu beaucoup, sera conforme aux attentes de chacun.