Artiste installée à Amiens et née à Moknine en Tunisie, Ibticem Mostfa dédicaçait Le Chant des labyrinthes, paru chez Nirvana (éditeur de livres d’art tunisien) le 10 décembre 2021 à la librairie du Labyrinthe d’Amiens. Il s’agit de son troisième livre après Chatoyances et paroles de soie (Ed. Cartaginoiseries, 2012) et Labiles labyrinthes (Ed. de La librairie du Labyrinthe, 2018) dans lequel figuraient déjà huit de ses étonnants tableaux-poèmes.
Plasticienne, poétesse, calligraphe, Ibticem Mostfa poursuit un cycle qui compte désormais 32 variations sur le thème du labyrinthe. Le lecteur/spectateur est invité à déambuler à l’intérieur de ces œuvres reliées par un fil narratif, où s’emmêlent les mots et les images, dans une chorégraphie tout à la fois musicale et poétique.
"Au commencement, les épousailles de deux labyrinthes, explique Ibticem Mostfa en quatrième de couverture, l’un courant sur les pavements antiques de Thysdrus et l’autre sur le sol ancien de la cathédrale d’Amiens. Celui, majestueux, du musée du Bardo s’invita sans cérémonie. Les trois cueillirent mon regard, tels des écritures dansantes, en un jeu de miroir mouvants, d’une rive à l’autre de notre mer commune." Le livre est en arabe et en français. Entre la langue tunisienne de son enfance et la langue française, Ibticem a choisi de ne pas choisir. Sa troisième langue est picturale.
Chez elle, les sons se répondent, les mots en appellent d’autres auxquels les images se joignent simultanément. Chaque labyrinthe accouche du suivant ; l’artiste ignore où l’histoire va mener, elle se laisse porter par son inspiration qui puise dans ses différentes cultures. Ses poèmes graphiques, que le livre de 152 pages permet de voir en détail, se déploient sur des toiles qui vont de 75 x 100 cm à 99 x 119 cm d’envergure.
"Je dédale ; Tu dédales ; Il dédale ; Elle dédale ; Nous détalons. Ainsi détala Dédale dans un doux bruit d’elles. « Labyrinthes de l’oubli, limaçon, vestibule en colimaçon. » Ainsi parlait Dédale." Le célèbre architecte de la mythologie grecque, concepteur du labyrinthe destiné à cacher le Minotaure, est une figure centrale des tableaux d’Ibticem. Mais Ariane, Alice, Tanit (déesse de la fécondité vénérée à Carthage) ou la Gradiva de l'écrivain allemand Wilhelm Jensen, forment aussi avec lui "le petit peuple des labyrinthes". D’une langue à l’autre, d’une ligne à une autre, ce petit peuple des chemins intérieurs fait résonner un chant dont la beauté et le mystère n'ont de cesse de nous fasciner.