« Modiste un jour, cabane toujours / J’ai troqué le dé à coudre pour le couteau à lame courte / Arrondir le mois est dans mon nouveau contrat / J’ai droit de vie et droit à rien / Je conserve, je jette, à moi d’en juger / Les coquilles, comme les hommes / Attention à ne pas se tromper / Chaque huître sa taille / Chaque jour sa peine » Femme de cabane (Cours toujours) de Mario Alonso
C’est ce mardi 15 octobre 2024, que sort en librairie Femme de cabane, le dernier livre de Mario Alonso. Un roman à la première personne et en vers libres, qui nous transporte sur une île, sans doute Oléron. Faute d’argent pour élever sa fille, la narratrice a renoncé à coudre des robes de mariées, et s’est fait embaucher dans une cabane ostréicole. La nausée, la fatigue, la routine, les autres filles… elle s’habitue : « Un, deux, trois, les numéros s’ajoutent aux numéros / En voilà une, et deux, et trois / Nous sommes les femmes de cabane / Pas loin les unes des autres / Comme des grappes de huit / Nous sommes un village / Un village de femmes en cabane »
Un jour pourtant, tout est bouleversé. La mer se retire et ne revient pas. Sa fille, devenue un garçon, l’aide à relancer l’activité couture. La cabane d’artiste réhabilitée, s’anime à nouveau. Pas question pour la narratrice, de quitter son île. « C’est que je suis une fille d’ici, de la rocaille, de l’ingrat / De ce paysage d’odeurs fortes et de balancements / C’était avant que la mer ne soit tombée dans le puis »
On pense parfois au regretté Joseph Ponthus, dont le roman À la ligne – Feuillets d’usine (La Table ronde, 2019), décrivait en vers libres son quotidien d’ouvrier dans une conserverie de poisson. Dans ce livre-ci, tout en poésie, c’est un portrait de femme, au-delà du travail, qui est esquissé. Femme de cabane est une traversée âpre mais lumineuse, le roman de la sensualité retrouvée, d’une renaissance à la vie qui palpite « par-delà le chagrin », au gré des marées.
[Photos : Festival des Livres d’en haut à Lille, 5 octobre 2024 : Lecture de Mario Alonso et Bernadette Gruson, directrice artistique de la Cie Zaoum]