Le 1er Festival de poésie et des nouvelles écritures poétiques organisé par l'association "La Ville aux Livres" a eu lieu samedi 12 mai 2012 à l'espace culturel La Faïencerie de Creil. Jean Portante (poète luxembourgeois) et Joël Leick (peintre-graveur, photographe et écrivain) étaient respectivement parrain et invité d'honneur de cette première édition. -> Cliquez ICI pour découvrir l'intégralité du programme de la manifestation
La journée a commencé par la restitution d'ateliers organisés en amont de la manifestation, avec les interventions de la slameuse YAS. Celle-ci a (dé)clamé son amour de la poésie qui peut emprunter "des milliers ou même une infinité de formes différentes".
Lors de l'inauguration officielle du festival - en présence de Claude Gewerc (président du Conseil Régional de Picardie) - Jean Portante a rappelé que la chose économique ne traversait pas le temps, que l'on n'avait pas retenu le nom des financiers des époques grecque ou romaine, que seule la chose culturelle pouvait le traverser ! Il a expliqué que la parole littéraire et poétique était là pour "remettre du sens dans les mots", déplorant que ceux-ci soient aujourd'hui vidés de leur sens. Il a présenté les poètes comme des résistants contre "la sloganisation du monde".
Le Prix Poésie 2012 des lycéens a été attribué à Octogénaire, recueil de Michel Butor publié aux Éditions des Vanneaux que dirige Cécile Odartchenko. Outre les traditionnels stands des éditeurs de poésie (une dizaine avait fait le déplacement) et des auteurs en dédicaces, ce nouveau rendez-vous proposait les expositions de livres d'artistes de Maria Desmée et Sausen Mustafova. Des ouvrages uniques, un régal pour les bibliophiles.
Joël Leick (peinture) et Alain Marc (poésie) ont réalisé une performance remarquable avec la création en direct d'un leporello (livre-accordéon) de 7 à 10 mètres de long. Une oeuvre d'art mettant à l'honneur le compositeur Henri Dutilleux, qui a pris corps sous les yeux du public. Pourquoi Dutilleux ? A cause d'une phrase entendue en 1991 par Alain Marc dans un reportage le concernant : "Les dunes sans arrêt se modifient". Une évidence qui a fait son chemin dans l'esprit du poète, jusqu'à cette rencontre artistique avec Joël Leick.
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Autres moments forts, les prestations de Tristan Felix (écrivain, conteuse, marionnettiste...) : des intermèdes poétiques pleins de trouvailles et d'humour, qui ont instillé une jolie fantaisie dans ce festival.
J'ai eu le plaisir d'animer la présentation des nouveautés des éditeurs. Ils sont venus à mes côtés évoquer leur travail et les livres qu'ils publient. Ces entretiens ont permis de mesurer à quel point l'édition poétique est riche et variée. Si certaines maisons privilégient l'élitisme, d'autres s'engagent au contraire dans la découverte de nouveaux auteurs et la "démocratisation" de la poésie. Des livres qui se glissent dans la poche aux "bols à lire", en passant par les livres d'artistes, chacune a sa spécificité. Mais les éditeurs partagent une passion commune pour les mots qui font sens et qui disent le monde, quelle que soit leur démarche éditoriale.
Le festival s'est terminé avec la très convaincante intervention de la compagnie L'Uppercut. Un trio qui a proposé un spectacle de poésie théâtrale (pulse poésie) ébouriffant. Rythme et musicalité exceptionnels, choix des mots et style irréprochables, messages percutants, diction et coordination impeccables. Une agréable découverte pour finir en beauté cette journée.
On peut émettre deux regrets concernant la première édition de ce salon qui va - il faut l'espérer - s'installer peu à peu et durablement en Picardie. Tout d'abord, l'absence de Bernard Noël et Hubert Haddad qui n'ont finalement pas pu être présents comme prévu. Et bien sûr le manque de mobilisation du public. La fréquentation a été faible pour ce premier rendez-vous qui ne manquait pourtant pas d'intérêt. Les gens avaient-ils besoin de grand air en ce samedi printanier ?
A moins que la poésie ne fasse peur ? Que certains la croient poussiéreuse ou étrangère à leurs préoccupations ? Peut-être faut-il rappeler qu'elle est vivante au contraire, plurielle, profondément ancrée dans notre monde d'aujourd'hui. Sans doute faut-il rappeler que, militante, sérieuse, légère ou drôle, la poésie est nécessaire. Que la langue est notre bien commun. Que le poète nous parle de nous-mêmes. Que les mots sont ce qui demeure, quand le reste s'enfuit.
"Notre époque est en crise parce que les individus voudraient aller vers le sens, mais que leur appartenance au corps économique ne les porte que vers la consommation, qui est seulement mortalité. Les artistes, les écrivains, sont les derniers à pratiquer une activité qui donne un sens à la vie..." (Castration mentale - Bernard Noël)
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