Jeudi 27 septembre 2012, Amélie Nothomb présentait son dernier roman Barbe Bleue (Ed. Albin Michel) à la Librairie Martelle d'Amiens, devant un public nombreux et attentif. Des
admirateurs ? De simples curieux attirés par le "phénomène Nothomb" qui défraie depuis vingt ans la chronique littéraire, au moment de la rentrée ?
À en juger par l'interminable file d'attente au moment des dédicaces, il s'agissait surtout de fidèles lecteurs fascinés par l'univers d'Amélie. Son succès et la force de son lien avec le public
ne se démentent pas.
Dans ce nouveau livre, l'auteur belge revisite le conte populaire dont la célèbre version de Charles Perrault, La Barbe Bleue, a été publiée en 1697. De nos jours à Paris, Saturnine, une
jeune Belge qui enseigne au Louvre, a lu une petite annonce dans le journal. Lasse de dormir sur le canapé d'une amie à Marne-la-Vallée, elle se présente à l'entretien organisé par le
propriétaire d'un sublime hôtel particulier dans le VIIème arrondissement de Paris. Il met à disposition l'une de ses chambres prestigieuses contre une somme dérisoire.
Les candidates sont nombreuses dans la salle d'attente. C'est là que Saturnine apprend que les huit précédentes locataires des lieux ont mystérieusement disparu. "De toute façon, disparaître était moins effrayant que retourner à Marne-la-Vallée". Qu'importe la réputation de don Elemirio Nibal y Milcar, grand d'Espagne, Saturnine veut cette chambre. Et elle va l'avoir. C'est elle qui est choisie pour habiter l'hôtel.
Comme dans l'histoire originelle, le Barbe Bleue d'Amélie Nothomb a un secret : une chambre noire où il prétend développer des photos. "Elle n'est pas fermée à clé, question de confiance. Il va de soi que cette pièce est interdite. Si vous y pénétriez, je le saurais et il vous en cuirait."
Saturnine ne se sent pas en danger dans sa nouvelle et luxueuse demeure. Elle goûte un confort inespéré, sans craindre une seconde de tomber sous le charme vénéneux de don Elemirio qui ne la
séduit pas. Elle ne craint pas non plus pour sa vie ; elle respectera le secret de la chambre noire.
Entre les deux personnages se noue chaque soir le même rituel. Don Elemirio prépare le repas et invite Saturnine à dîner : "La cuisine est un art et un pouvoir : il est hors de quesion que je me soumette à celui de qui que ce soit", explique-t-il.
Ces dîners sont le lieux d'échanges brillants entre un homme cultivé, extrêmement religieux, qui vit reclus dans sa maison depuis vingt ans, et une jeune femme de caractère, bien décidée à ne pas s'en laisser conter. Elle espère comprendre ce qui est advenu des huit précédentes locataires... sans tomber dans le même piège qu'elles.
De véritables joutes oratoires s'engagent lors de leurs repas, l'Espagnol développe une casuistique digne d'un autre siècle, que Saturnine démonte avec un bon sens et une détermination
irrésistibles. Les références à la théologie, à la Bible ou à l'Art émaillent leurs discussions. Lequel des deux va succomber à l'autre ?
Le Champagne est le troisième protagoniste de leurs rencontres. Un plaisir renouvelé chaque soir sous une étiquette différente, métaphore de leur passion commune pour l'or et ses reflets. Et
hommage non dissimulé d'Amélie Nothomb elle-même, férue de ce précieux breuvage. "Il y a un réconfort que seul le grand Champagne procure, soupira-t-elle."
Il est aussi question de couleurs dans cet ouvrage. Pour l'Espagnol, également couturier de talent, chaque femme en symbolise une. Dans son nuancier imaginaire, Saturnine est le jaune. Celle qui
approche de l'or. "L'or est la substance de Dieu." Car l'alchimie joue un rôle dans cette histoire. Amélie Nothomb ne laisse rien au hasard, le prénom de l'héroïne renvoie à la
mélancolie et au plomb, celui-là même que les alchimistes voulaient transformer en or. À la fin, la boucle sera bouclée...
Le conte de Perrault a toujours été le préféré d'Amélie Nothomb. Mais dans la version qu'elle nous propose, l'héroïne n'aura besoin de personne - et surtout pas d'un homme - pour se tirer
d'affaire. Ici, le Barbe bleue est un grand d'Espagne, l'auteur refusant les amalgames avec Henri VIII, "ce grossier Tudor" sanguinaire, auquel on l'associe d'ordinaire.
Pour elle, l'un et l'autre ont des motifs bien différents. Barbe bleue protège son secret. Et il a bien raison. "Tout secret, quel qu'il soit, mérite d'être respecté, insiste Amélie.
Peut-être pas en allant jusqu'à la peine de mort, mais il doit absolument être défendu". Dans une société où la confidentialité fait défaut, où les vies s'étalent sur Internet, où les
caméras de surveillance épient nos faits et gestes, l'auteur affirme qu'avoir un secret, c'est faire de la résistance !
"Ne pensez-vous pas que tout être humain a droit à sa chambre noire ?"
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Des Livres et Nous consacrée
à Amélie Nothomb pour Une Forme de Vie en 2010.
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