Ce Samedi 10 mars 2012, la bibliothèque Louis Aragon proposait une visite guidée gratuite de l'exposition "Modes ottomanes : la gravure de l’Orient au Siècle des Lumières" qui se tient jusqu'au 14 avril 2012 à Amiens. Jeff Moronvalle, doctorant en Histoire de l'art à l'Université de Picardie Jules Verne, en est le commissaire scientifique. Justine Dujardin, responsable de la section Patrimoine, conduit la visite avec Evelyne Pouyaud du service Patrimoine, qui l'accompagne de lectures relatives à l'Orient.
La chute de Constantinople prise par les Ottomans en 1453, marque la fin de
l'Empire byzantin, héritier de l'Empire romain. En Europe, Constantinople va entretenir des relations privilégiées avec Venise pour des raisons commerciales, et la France pour des raisons
diplomatiques.
Afin de renforcer sa position face à son rival Charles-Quint, François Ier se rapproche du sultan turc, Soliman le Magnifique. Le "traité des
Capitulations" du 4 février 1536, scelle l'alliance entre le Royaume de France et l'Empire ottoman.
Le Recueil de cent estampes représentant différentes nations du Levant tirées sur les Tableaux peints d'après Nature en 1707 & 1708 par les ordres de M. de Ferriol Ambassadeur du Roi à la
Porte et gravées en 1712 et 1713 par les soins de Mr. Le Hay, dit plus simplement Recueil Ferriol, est le coeur de cette exposition.
Charles de Ferriol (1652-1722) est un diplomate français envoyé par Louis XIV à Constantinople entre 1699 et 1711. Il est accompagné du peintre valenciennois Jean-Baptiste Vanmour. Ce sont les
tableaux de celui-ci que l'on va graver puis rassembler dans le recueil, dès 1712. Le succès est immédiat. Quatre éditions sont exposées à la bibliothèque. Amiens possède l'une des plus riches,
en couleur et incrustée de pierres. Les autres éditions proviennent de Valenciennes, Rouen, et des Arts décoratifs à Paris.
Dans ce recueil, l'image ne vient pas en support du texte. La gravure accompagnée de sa légende est l'objet même du livre. Il s'agit d'une galerie de portraits orientaux, des personnages -homme
ou femme- représentés en pied dans un décor qui suggère souvent l'enfermement.
Novi, jeune fille grecque isolée lors de la cérémonie de son mariage
Les costumes sont très codifiés et révélateurs du statut de chacun. La sphère domestique du Sultan est représentée, tout comme les dignitaires politiques ou religieux de l'Empire. De nombreuses
figures caractéristiques se succèdent : eunuque, vizir, mufti, derviche, odalisque, jeune fille au bain ou femme mauresque... Le sérail y est également montré pour la première fois.
Le Sultan sur le point de jeter son mouchoir à la femme du harem qui reçoit sa
préférence
L'exposition montre bien que le Recueil Ferriol s'inscrit dans une tradition plus ancienne. Dès la Renaissance, les Occidentaux portent sur l'Orient un regard assez
homogène. Leur représentation du monde oriental s'accompagne de stéréotypes qui vont traverser les siècles, jusqu'à forger notre perception d'aujourd'hui.
Les premières images accompagnent des récits de voyages. Nicolas de Nicolay (1517-1583), géographe des rois Henri II et Charles IX, publie à son retour du Levant en 1568, Les quatre premiers Livres des Navigations et Pérégrinations Orientales de Nicolas de Nicolay, avec les figures au naturel tant d'hommes que de femmes, selon la diversité
des nations et des habits.
Une soixantaine d'estampes de Léon Davent illustrent chaque étape du voyage et contribuent à façonner l'imaginaire collectif de l'Occident à l'égard des Ottomans. La notion de
droits d'auteur n'est pas encore née. Certaines de ces gravures sont réutilisées pour illustrer d'autres textes, parfois de façon inappropriée.
Les images ainsi véhiculées, entre sensualité et barbarie, entretiennent la fascination que l'Empire ottoman exerce sur les Européens. Au 18ème siècle, la mode des Turqueries
s'empare de la France et de la Cour du Roi avec son lot de clichés : costumes orientaux, tapis turcs, dégustation de café, fantasmes sur les harems...
Cet attrait dure tout au long du Siècle des Lumières, et se prolonge au 19ème avec les peintres orientalistes, les Romantiques comme Lamartine, ou les écrivains-voyageurs comme Pierre Loti.
L'influence des représentations du Recueil Ferriol est évidente dans bon nombre d'oeuvres postérieures (peintures,
photographie...).
L'exposition amiénoise est dédiée à la gravure en particulier. Dès la Renaissance, la gravure est un vecteur important de diffusion des images. Leur production en série devient
possible, ce que la peinture ne permet pas. Bien avant l'arrivée de la photographie, elle accompagne donc l'évolution de l'imprimerie. Toutes les techniques de gravure (gravure sur bois,
eau-forte...) qui ont cours depuis l'époque moderne sont représentées dans cette exposition.
Celle-ci propose également une série de vidéos réalisées par l’artiste contemporaine anglaise Vanessa Hodgkinson, qui a étudié à l'Université du
Koweït. Parmi ses films, Odalisque's Ex, est inspiré de peintures orientalistes et propose une réflexion sur la notion de censure. Elle sera présente à Amiens pour évoquer son travail le
14 avril 2012.
D'autre visites gratuites, contes ou animations sont encore prévus autour de cette exposition proposée par les Bibliothèques d'Amiens Métropole. Ce mercredi 14 mars aura lieu une rencontre suivie
d'un atelier pour les enfants, avec l'illustratrice Laureen Topalian dont les Images d'Orient sont exposées au sein de l'espace jeunesse.
Calendrier des manifestations liées à l'exposition : cliquez ci-dessous
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