Rencontre avec Olivier Mellor pour Cyrano de Bergerac
"En nous attaquant à Cyrano, nous bouclons une trilogie inespérée sur le répertoire populaire « à la française », après le Dindon de Feydeau et Knock de Jules Romains l’an passé…" Olivier Mellor, Directeur artistique de la Compagnie du Berger, nous retrouve sur la scène de la Comédie de Picardie dont il est artiste associé, pour évoquer son Cyrano de Bergerac.
avec : Jean-Jacques Rouvière, Marie-Béatrice Dardenne, Adrien Michaux, Stephen Szekely, Fred Egginton, Rémi Pous, Eric Hémon, Dominique Herbet, Vincent Tepernowski, Denis Verbecelte, François Decayeux, Marie-Laure Boggio, Michel Fontaine, Mylène Gueriot, Karine Dedeurwaerder, Nicolas Auvray, Jean-Christophe Binet
Il faut beaucoup d'envie à un metteur en scène et à une troupe pour s'engager dans une telle entreprise. 45 personnes travaillent sur ce spectacle dont presque 20 comédiens. La pièce d'Edmond Rostand jouée pour la première fois au Théâtre de la Porte Saint-Martin en 1897 fut un triomphe alors que son auteur lui-même craignait un désastre.
Dans ce "monument" en cinq actes et 2600 vers, tous les genres se côtoient pour le plaisir du spectateur. L'amour, la guerre, l'action et l'émotion s'y mêlent en effet. Les scènes intimistes alternent avec de grands tableaux où tous les comédiens se donnent la réplique. Cette pièce annonce une forme théâtrale moderne tout en respectant un certain classicisme. On est à la croisée des chemins.
Cyrano de Bergerac prononce à lui seul plus de la moitié du texte. Car le héros éponyme a de la verve et prend ainsi toujours l'avantage sur ses interlocuteurs ou ses ennemis. Le texte de Rostand est admirable. Et d'autant plus impressionnant qu'il l'a écrit à seulement 29 ans. Il ignorait alors que la pièce lui vaudrait la Légion d'honneur, et son entrée à l'Académie Française.
Le Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand fut librement inspiré du véritable Savinien Cyrano de Bergerac (1619-1655), écrivain et militaire. Un libre penseur précurseur de la science fiction. On lui doit notamment Histoire comique des Etats et Empires de la Lune auquel Rostand fait allusion lorsque son héros prétend tomber de la lune, afin de retarder de Guiche.
Le Cyrano réel a d'ailleurs presque disparu derrière le personnage fictif dans l'imaginaire collectif. Rostand a crée un mythe : celui d'un héros capable de se sortir de toutes les situations, à la faveur d'un bon mot ou à la pointe de l'épée. Son Cyrano exalte les valeurs morales : la liberté, le courage, la franchise... dans des tirades superbes avec un panache dont il est devenu l'incarnation.
Mais est-il au fond, un homme si vertueux? Cyrano est épris en secret de sa cousine Roxane. Lorsque celle-ci lui avoue son amour pour Christian, un jeune cadet qu'elle connaît à peine mais qui l'aime en retour, Cyrano est meurtri. Jusqu'au moment où lui vient une idée folle.
Christian n'a pas d'esprit quand il s'agit de s'adresser aux dames et de parler d'amour. Il est beau mais sans éloquence. Tout le contraire de Cyrano au visage disgracieux (le si célèbre nez!) mais doué lorsqu'il s'agit de verbe. Sous couvert d'amitié, il propose à Christian de lui prêter sa voix et sa plume afin de séduire Roxane. Il pense avoir trouvé le moyen de vivre avec elle une relation sentimentale "par procuration" puisqu'il croit impossible de la vivre à découvert. C'est là que se scelle le drame de nos trois personnages.
Divertissement et émotion sont au rendez-vous avec cette pièce. La Compagnie du Berger nous offre une belle soirée de théâtre destinée à tous les publics, dans le respect de l’œuvre de Rostand. Le rythme est soutenu malgré les 3h30 que dure la pièce. Celle-ci fait en outre la part belle au chant et à la musique jouée en live par des musiciens.
Olivier Mellor, comédien lui-même, nous explique son travail à la direction de la Compagnie du Berger et sa conception de la mise en scène. Les membres de sa troupe ont pour la plupart une longue histoire commune, depuis les bancs de l'école ou ceux de l'ENSATT (Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre : l'école de la rue Blanche). Leur complicité artistique se ressent lorsqu'ils jouent. Ils se font plaisir et leur enthousiasme est communicatif.
Le texte d'Edmond Rostand vaut la peine d'être redécouvert également. Un petit extrait ci-dessous, pour vous convaincre que cette pièce qu'il faut aller voir (parce que tout y est !), vaut aussi la peine d'être lue...
"CYRANO [...] Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l'œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N'écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !"
Book in the Machine à Amiens : rencontre avec Hervé Jézéquel
Reportage à la minute 22 de l'émission
Book in the Machine est une micro bouquinerie, la plus petite librairie de Picardie tenue par un Toulousain d'origine, Hervé Jézéquel. Ce qui l'a conduit jusqu'à cette boutique ? Sa passion pour la lecture et l'objet livre, assez naturellement.
Il rappelle volontiers que Boris Vian comparait le processus de fabrication d'un livre à la chaîne de production automobile. Si l'écrivain peut être assimilé au Cabinet d'Etude, le bouquiniste est selon lui, concessionnaire d'occasion.
Il explique que son métier ne se réduit pas à des considérations intellectuelles. Hervé Jézéquel s'attache aussi à prendre soin des livres et à les remettre en état. Il leur donne une nouvelle vie en quelque sorte, pour la satisfaction des curieux et amateurs qui entrent dans sa boutique.
La vente sur Internet via le site Delcampre.fr lui permet de compléter les revenus de sa "librairie aléatoire". Il se déplace également chaque premier samedi du mois Place Alphonse Fiquet (sous la verrière de la gare) sur le Marché aux Livres anciens ou d'occasion. Il aime prendre l'air dit-il, et rencontrer une autre clientèle là-bas.
Même si faute de temps, il ne peut s'y consacrer autant qu'il le voudrait, Hervé organise aussi dans sa boutique des "nano-happenings" : petites lectures de poésie, micro expositions, interventions flash ou concerts.
Poussez la porte de Book in the Machine, un accueil sympathique et de jolies trouvailles vous y attendent. A tout petit prix.