La soirée "Passion et aventures en ballon" avait lieu mardi 20 août 2013 à la Maison de Jules Verne d'Amiens, avec une conférence de Philippe Hamain, aéronaute qui dirige la société Montgolfières de Picardie. Il fut l’instructeur de Jean-Louis Étienne lorsque celui-ci prépara son survol du pôle Nord en 2010.
Cette manifestation s'inscrivait dans le cadre du cycle d’animations Cinq Semaines en Ballon, proposé par la Maison de Jules Verne tout au long de l’année 2013, à l'occasion des 150 ans de la parution du premier des 64 Voyages extraordinaires.
Cette année d'ailleurs, l'écrivain qui résida à Amiens est le parrain du 8e Défi Jules Verne, montgolfiade prévue les 24 et 25 août avec une quinzaine de ballons au Parc de La Hotoie et dans le ciel amiénois.
Au cours de cette soirée effectivement passionnante, Philippe Hamain a tout d'abord décrit les débuts de l'aérostation en 1783 avec les expérimentations des frères Montgolfier, papetiers ardéchois qui inventent le premier ballon à air chaud. Pour faire monter la montgolfière, il faut réchauffer l'air contenu dans son enveloppe (en brûlant de la paille à l'époque). L'air chaud dans le ballon, plus léger que celui de l'atmosphère, permet à la montgolfière de s'élever.
Ils en font la démonstration à Louis XVI le 19 septembre 1783 à Versailles avec un mouton, un canard et un coq à bord. Le 21 novembre, le physicien Pilâtre de Rozier et le marquis d'Arlandes survolent Paris pendant 20 minutes avec une montgolfière dans laquelle le roi souhaitait plutôt voir embarquer des condamnés à mort...
La même année, Jacques Charles élabore le ballon à gaz -ou Charlière- gonflé à l'hydrogène et décollant avec du lest. "Les sensations sont les mêmes, il n'y a que le prix du billet qui change !" explique Philippe Hamain. Le 1er décembre 1783, le physicien vole au-dessus du Jardin des Tuileries. Le conférencier témoigne à ce moment : "nous, pilotes aéronautes, nous rêvons de survoler Paris, si vous saviez !".
Le premier drame sérieux a lieu le 15 juin 1785 avec la chute d'un ballon mixte -ou Rozière- qui combine alors hydrogène et air chaud. Pilâtre de Rozier et son ami Pierre Romain y perdent la vie.
De nombreux voyages se déroulent dans les années qui suivent. Le dirigeable se développe également, l'aérostation est à la mode. Le 28 septembre 1873, Jules Verne décollera de la place du Cirque d'Amiens pour un unique vol de 24 minutes qui lui fait forte impression.
En 1870, lors du siège de Paris par l'armée prussienne, 66 ballons à gaz sont utilisés pour transporter du courrier et des passagers parmi lesquels Léon Gambetta. Pendant la Première Guerre mondiale, et notamment durant la Bataille de la Somme, des ballons captifs d'observation sont utilisés pour renseigner sur les mouvements de l'ennemi.
Aérostation rime aussi bien entendu avec expédition. Dans Cinq semaines en ballon, Jules Verne raconte la traversée d'est en ouest de l'Afrique (de Zanzibar au Sénégal) par le Docteur Samuel Fergusson, Joseph Wilson et Richard "Dick" Kennedy, à bord d'un ballon gonflé à l'hydrogène.
Avant celle de Jean-Louis Étienne en 2010, deux autres expéditions ont lieu en ballon libre pour le survol du pôle Nord. En 1897, celle du suédois S. A. Andrée au départ du Svalbard (Norvège) se termine tragiquement par la mort des trois équipiers prisonniers de la banquise après le crash du Örnen (L'Aigle) auquel ils ont pourtant survécu. Leurs corps sont retrouvés par des pêcheurs en 1930, de même que les photographies et le journal de bord de l'expédition. Le premier homme qui parvient à survoler le pôle Nord en ballon est le Britannique David Hempleman-Adams en 2000.
En 2008, le médecin-explorateur Jean-Louis Étienne prend contact avec Philippe Hamain. Aventurier aux multiples exploits, il n'a pas de culture aéronautique mais souhaite apprendre à piloter un ballon pour survoler le pôle Nord. Son objectif ? Alerter les médias et l'opinion public sur les conséquences dramatiques de la fonte des glaces.
Il faudra 20 heures de leçons à Jean-Louis Étienne pour apprendre à voler, notamment au-dessus d'Amiens et la Baie de Somme. "C'est quelqu'un qui apprend vite, qui a su capitaliser ce que je lui ai enseigné", confie Philippe Hamain.
Il s'élance le 05 avril 2010 à bord d'un Rozière, depuis le Spitzberg (île de Norvège située dans le Svalbard), pour un vol d'un peu plus de cinq jours. "Je l'ai trouvé incroyablement stoïque dans cette aventure, hyper zen", commente son instructeur.
Les conditions de vol sont extrêmement difficiles : panne électrique, insomnie, incendie, hypoxie... Jean-Louis Étienne doit voler dans les basses couches pour éviter une perturbation qui le pousse vers la Sibérie, plutôt que l'Alaska. Il dévie à 100 km du pôle Nord mais réussit malgré tout la première traversée de l’océan Arctique en ballon, et le recueil de données scientifiques durant son périple. Il raconte son voyage dans La traversée du pôle Nord en Ballon (Ed. du Chêne).
Excellent préambule à la montgolfiade de ce week-end, l'exposé enthousiaste de Philippe Hamain a parfaitement rappelé que depuis leur invention en 1783, les aérostats n'ont cessé de faire rêver. Petits ou grands, sportifs, aventuriers, scientifiques ou écrivains... gageons que l'histoire est loin d'être terminée.
Jusqu'au 25 août, l'exposition "Cinq semaines en ballon" retrace l’histoire de l’aérostation, du premier ballon des Frères Montgolfier à celui de Brian Jones et Bertrand Piccard qui réussirent en 1999 le premier tour du monde ininterrompu en 19 jours, 21 heures et 47 minutes. (Entrée libre durant les horaires d’ouverture de la Maison de Jules Verne).
Maison de Jules Verne 2, rue Charles Dubois 80000 Amiens tél. 00 33 (0)3 22 45 45 75 maisondejulesverne@amiens-metropole.com