"On se serre entre les heures / qui passent, / les tremblements, / on rapièce, / on refait des forces, / lentement, / pour aller où ?" La relève (L’Ail des ours) de Jean-Christophe Ribeyre, accompagné des œuvres de l’artiste Marie Alloy.
Dans ce long poème, le "Je" qui s’exprime est d’abord en retrait, au bord de l’abandon, de l’effacement. Las "du train où vont / les choses". Les mots n’ont pas disparu pourtant, ni la poésie. "Il reste quelques livres, / quelques chantiers / au fond d’une tête / finissante." Il reste la nature qui répare les vivants. En lui alors, quelque chose frémit, inattendu, inespéré. Dans "ce temps choisi de la lenteur", le poète est à l’écoute de ce qui tremble, de la beauté qui régénère, des mots qui se présentent : "épuisé, désarmé, réfractaire, / j’attends la relève parmi les mutilés. […] elle aurait l’odeur verte des blés, / la légèreté d’un baiser, je saurai l’accueillir comme je l’ai toujours fait". Ce texte remarquable est le poème d’une étincelle ; puisse-t-elle s’allumer au cœur de chaque nuit.
Paru en janvier 2022, La relève est le douzième volume de la collection Grand ours publiée par L’Ail des ours, maison créée dans l’Aisne en 2019 par Michel Fievet. Elle se consacre à l’édition de poésie contemporaine, diffusée essentiellement par abonnement mais dont les titres sont aussi disponibles à l’unité.