Comme chaque année, la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, association créée en 1975 qui fédère plus de 1400 auteurs sous la présidence de Guillaume Nail, était bien représentée au Salon du Livre et de la Presse jeunesse de Montreuil en Seine-Saint-Denis, du 27 novembre au 2 décembre 2019. Toujours mobilisée pour la défense du statut juridique et social des auteurs jeunesse (voir ICI en 2017), l’équipe de la Charte développe aussi des dispositifs visant à soutenir la jeune création. L’opération "Un voyage à Bologne" depuis 2012 pour les illustrateurs et illustratrices (Voir mon article sur Actualitté), et le concours de nouvelles "Émergences" lancé en avril 2018 pour les auteurs et autrices.
Pour participer à ce concours, il faut avoir publié entre un et trois ouvrages dans n’importe quel domaine. À partir d’une phrase donnée (en 2018 : "Je casse ma tirelire. Elle est vide ! Où est mon argent ? À la place, juste une feuille de papier pliée." et en 2019 : "Longtemps, Fatou s’est couchée de bonne heure"), les candidats doivent rédiger une nouvelle inédite de 5000 signes destinée aux 9-12 ans. Le jury est composé d’auteurs reconnus (Clémentine Beauvais, Marie-Aude Murail…), de professionnels de la littérature jeunesse (libraires, bibliothécaires, blogueurs…), et de jeunes lecteurs du club LékriDézados de la bibliothèque de Montreuil. Les nouvelles des lauréats choisis jusqu'ici parmi une soixantaine de candidats, sont publiées dans un recueil édité par la Charte à 1000 exemplaires.
L’intérêt de ce concours - au-delà de la mise en lumière - réside dans l’accompagnement des gagnants vers la professionnalisation. Pour la relecture de leurs textes, ils sont épaulés par des parrains-marraines auteurs confirmés (Marion Achard, Matthieu Sylvander, Cathy Ytak, Stéphane Servant…), ils bénéficient de deux jours de formation sur le métier d’auteur jeunesse, de rencontres avec des éditeurs sous forme de speed-dating au Salon de Montreuil et d’une valorisation au moment de l’opération "Partir en Livre" du CNL.
À Montreuil le vendredi 29 novembre, une table ronde animée par Isabelle Renaud était organisée avec quatre des douze lauréat(e)s de la première édition d’Émergences. Alors que les gagnants de l’édition 2019 sont connus depuis septembre, Judith Bouilloc, Delphine Pessin, Betty Piccioli et Laura P. Sikorski, sont ainsi invitées à échanger sur leurs parcours et sur ce que le dispositif leur a apporté.
Judith Bouilloc témoigne avec enthousiasme du soutien de sa marraine, Sophie Adriansen : "elle m’a donné des conseils, des informations qui m’ont vraiment aidée. J’habite en Moselle au milieu de la forêt, je me sentais très seule. Ce système de marrainage est génial, j’avais besoin de cela !". Après la formation, Judith a sollicité et obtenu une bourse de création de la Région Grand-Est. Elle a en outre pu renégocier un à-valoir (avance sur droits d’auteur) sur un contrat d’édition déjà signé. "Émergences m’a vraiment aidée à oser, explique-t-elle, merci la Charte !"
Les délais de publication sont toujours longs et les retombées d’Émergences ne sont pas encore toutes mesurables, mais sur les douze lauréats 2018, neuf ont signé un contrat d’édition et deux ont obtenu une bourse du CNL. Delphine Pessin, professeure de français ("notre modèle à tous", plaisantent ses camarades) publiera pas moins de quatre ouvrages en 2020 ! Trois projets ont pu aboutir grâce au speed-dating de Montreuil et L’Enquête, sa nouvelle écrite pour le concours, sera prochainement adaptée en roman aux éditions Thierry Magnier.
Betty Piccioli affirme avoir vécu sa victoire au concours comme "un signe". Elle a quitté son travail dans le monde de la politique pour se consacrer pleinement à l’écriture. Elle travaille sur des projets de novellisation et son deuxième roman, Panique à Gémélia, paraîtra chez Gulf Stream en avril 2020. Elle profitait en outre du Salon de Montreuil pour soumettre à des éditeurs un projet qui lui tient particulièrement à cœur : "3 Femmes qui", série de romans courts illustrés par Sita présentant chaque fois trois parcours de femmes racontés par trois enfants. Laura P. Sikorski, "apprentie scribouillarde depuis l’enfance", a quant à elle signé un roman à paraître chez Magnard en septembre 2020 : Tête-de-Mule veut devenir chevalière.
Autre vertu, et non des moindres, du dispositif Émergences : la solidarité qui ne se dément pas entre les douze lauréats de l’édition 2018. Après avoir fait connaissance il y a un an, ils ont créé une page Facebook afin de rester en contact et de continuer à partager leurs expériences : négociations avec les éditeurs, lettres de refus ("Ça fait partie du métier !"), partage des couvertures quand un projet se concrétise, conseils en tout genre… Les gagnant(e)s du concours ont à la fois pu renforcer leurs connaissances et élargir leur réseau professionnel, voire même créer des amitiés dans le milieu de la littérature jeunesse. Un bilan d’ensemble très positif.