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La 23e édition des Rendez-vous de la bande dessinée d'Amiens n'a pas contredit le dramaturge Prosper Jolyot de Crébillon qui considérait que "Le succès fut toujours un enfant de l’audace" (Catilina, 1750, Paris). Organisé les 2 et 3 juin 2018 par l'association On a marché sur la Bulle, sous la houlette de Pascal Mériaux (directeur) et Thierry Cavalié (président), le festival a relevé le défi de s'installer dans la halle Freyssinet (ancienne halle Sernam derrière la gare), encore désaffectée deux mois plus tôt. Après quatre années au Coliseum et dix-huit au Pôle universitaire cathédrale, le temps était venu de trouver un lieu à la mesure de l'événement qui a pris beaucoup d'ampleur au fil des années.
Le quartier Gare-La Vallée, en pleine reconfiguration, et la halle Freyssinet ont donc accueilli le festival 2018 sur plus de 5000 m² grâce à l'énergie déployée par les membres de l'association et au soutien de ses partenaires, en particulier la SEM (Société d'économie mixte) Amiens Aménagement, propriétaire des lieux. Une édition aussi particulière méritait un parrain d'envergure, c'est Zep qui a joué ce rôle et réalisé l'affiche 2018. Une remarquable exposition lui était consacrée, Les mondes merveilleux de Zep, témoignant que l’œuvre de l'auteur suisse explore bien d'autres territoires que celui de l'illustre Titeuf.
Le pari d'un nouveau site s'est avéré gagnant pour les organisateurs puisque le public a largement répondu présent : 9500 personnes se sont rendues à la halle Freyssinet durant le week-end, c'est 39 % de mieux que le record des autres années. Du mardi au dimanche, scolaires compris, ce sont 13000 visiteurs qui ont fréquenté le festival. Quant aux événements dits hors-les-murs, ils ont touché 25000 personnes. Il faut ajouter à ces chiffres la fréquentation post-festival de la halle Freyssinet (environ 2000 personnes) puisque les expositions y restent visibles jusqu'au 30 juin les mercredis, samedis et dimanches de 10h à 18h.
En dehors du changement de site, les 23es Rendez-vous de la bande dessinée d'Amiens ont repris les ingrédients qui ont fait leur succès. Avec en amont du week-end, les rencontres scolaires et la journée professionnelle que j'animais de nouveau sur "Le montage de projets culturels avec des auteurs de bande dessinée". La matinée était consacrée à un rappel des fondamentaux par Yann Dissez, chargé de vie littéraire au Ciclic et auteur de plusieurs guides indispensables sur le sujet. Témoignages et partage d'expériences avec Marc Lizano, auteur et Bernadette Cottel, directrice de la Médiathèque départementale de l'Oise, ont permis également de montrer la variété des projets possibles dans le cadre de l'accueil d'auteur, et l'intérêt qu'ils représentent pour les territoires.
La question de la rémunération des auteurs lors des manifestations littéraires était au programme de l'après-midi avec Samantha Bailly, auteur et présidente de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, Florabelle Rouyer, chef du département création au CNL, Denis Bajram, auteur cofondateur des États généraux de la bande dessinée et du SNAC-BD et Pascal Mériaux, organisateur du festival. Le sujet est brûlant (Cf. #payetonauteur et États généraux du livre du 22 mai dernier) car il questionne le statut fragile des auteurs et toute l'organisation de la chaîne du livre.
L'association On a marché sur la bulle a réalisé une enquête auprès des organisateurs de manifestations littéraires qui a révélé leurs inquiétudes vis-à-vis de ce qui se joue en ce moment (Voir ICI l'article de Nicolas Gary sur ActuaLitté). Les auteurs présents ont expliqué avec beaucoup de clarté leur propre désarroi et la nécessité d'agir pour préserver la création.
Comme toujours, le festival a mis l'accent sur la rencontre avec les auteurs dont plus de 80 étaient présents pendant le week-end. Tables rondes dans l'auditorium, Fabrique de la bande dessinée avec commentaires et dessin en direct, dédicaces, rencontres au sein des expositions... J'ai eu le plaisir d'animer celle dédiée à La fleur dans l'atelier de Mondrian (Ed. Glénat) avec Antonio Lapone (dessin) et Jean-Philippe Peyraud (scénario).
Une belle occasion pour le public de découvrir, à travers la scénographie thématique de l'exposition et les planches originales d'Antonio, le magnifique travail des auteurs autour de Piet Mondrian (1872-1944). Les compositions du peintre néerlandais à la biographie lacunaire appartiennent désormais à l'imaginaire collectif, elles ont inspiré tous les arts : le neuvième s'en empare ici avec brio.
Le festival a aussi fait la part belle au jeune public avec des animations aussi diverses que l'Atelier Permanent, espace d'échange et de création avec les auteurs, des séances de kamishibai et de Makaton® autour des albums de Lili Crochette, des lectures de Supers et Paola Crusoé ou des jeux géants Tchô! Rappelons que le développement de la lecture chez les plus jeunes est une préoccupation centrale de l'association On a marché sur la Bulle qui a créé les éditions de la Gouttière et travaille toute l'année sur ces questions.
Samedi 30 juin 2018, une journée Jeune public est d'ailleurs proposée pour la clôture des festivités à la halle Freyssinet avec des rencontres auteurs et des animations comme le spectacle Tous en boîte réalisé en collaboration avec le collectif La Miette, à partir des albums de Matthieu Maudet. De quoi refermer en beauté ce nouveau chapitre de la vie des Rendez-vous de la bande dessinée d'Amiens.
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