304 pages
20 illustrations en couleur
Éditions de la Librairie du Labyrinthe
Format : 17 x 24 cm
EAN : 9782918397281
20 novembre 2020 - Prix 19 €
Quatrième de couverture : "Picardie était un nom. Nous en avons fait une mémoire. Plus personne ne pourra contester sa légitimité."
Tout Picard que j’étais… L’exceptionnelle richesse littéraire de la Grande Picardie à travers les siècles, du poète, essayiste et traducteur Jacques Darras, vient de paraître aux éditions de la Librairie du Labyrinthe (Amiens). Une anthologie "précise et raisonnée" qui puise sa substance dans les quatre conférences que l’auteur a données à la Comédie de Picardie entre 2016 et 2019 (voir ICI et ICI). Un voyage exaltant à travers la "Grande Picardie" (Aisne, Oise, Somme, Artois, Hainaut, Flandre française) entre le VIe siècle et la Seconde Guerre mondiale. Jacques Darras parcourt les mouvements littéraires qui s’y sont succédé, explorant la vie et l’œuvre, extraits à l’appui, d’une soixantaine de personnalités - et quelques anonymes - qui ont apporté une contribution remarquable à ce territoire, et au-delà, à l’Histoire nationale. Il raconte, il analyse, il met en lien. Le temps des abbayes puis celui des cathédrales, l’invention du théâtre moderne à Arras, la cour de Bourgogne, la Réforme, l’âge classique, la Révolution française, le romantisme, les guerres du XXe siècle… autant de moments au cours desquels des Picards, plus ou moins célèbres, se sont illustrés. Mais qui s’en souvient encore ?
Le projet du livre est ainsi exposé : "nous nous sommes donné pour tâche de conjuguer la littérature avec l’histoire afin de rappeler à son propre souvenir cette vaste région si tragiquement oublieuse d’elle-même." Le 1er janvier 2016 en effet, la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais fusionnaient en une seule grande région officiellement baptisée Hauts-de-France quelques mois plus tard, après une consultation en ligne des habitants qui avaient le choix entre trois appellations proposées par des lycéens et apprentis de la région : "Hauts-de-France", "Nord-de-France" et "Terres-du-Nord". Effacement de la Picardie et colère, entre autres, de Jacques Darras et de son éditeur Philippe Leleux. "On ne peut rien contre la sottise politique dans l’immédiat, nous dîmes-nous, il s’agissait de montrer plus de souffle, de détermination et de science dans la longue durée." La réponse de l’écrivain au politique serait donc de nature littéraire : "pour s’imposer de manière définitive dans les esprits, la Picardie aurait dû et devra toujours impérativement commencer par asseoir sa légitimité littéraire et scientifique, avant sa légitimité politique."
Dans son livre, Jacques Darras commence par s’interroger sur ce qui fait l’identité de la "nation picarde". "Lorsque Robert de Sorbon fonde en 1254 le Collège qui portera ensuite son nom, la Sorbonne, l’institution nouvelle fait appel à quatre « nations » de collégiens, qui sont la française, la normande, l’anglaise et la picarde." Dans un document de 1415, exhumé en 2003 des fonds de la bibliothèque vaticane de Rome, sont rangés sous cette bannière les étudiants de la Sorbonne venus d’Amiens, Cambrai, Tournai, Laon, Thérouanne, Beauvais, Liège, Arras, Noyon, Utrecht. La fameuse "Grande Picardie" dont les habitants sont unis avant tout par une langue vernaculaire : la langue d’oïl ou français à dominante picarde qui supplante le latin en littérature. Jacques Darras évoque "l’incroyable continuité d’écriture en langue française en Grande Picardie à travers les âges, d’une qualité et d’une rigueur exceptionnelles, toujours en lien avec les pensées politiques et scientifiques les plus neuves de leur temps."
Les exemples ne manquent pas pour étayer son propos : Nithard, Gauthier de Coincy, Richard de Fournival, Adam de la Halle, Jean Bodel, Conon de Béthune, Jean Molinet, Jacques Lefèvre d’Étaples, Jean Calvin, Jean Racine, Jean de La Fontaine, Antoine Galland, L’abbé Prévost, Choderlos de Laclos (à quand un hommage ou une rue dans Amiens qui porterait le nom de ce militaire auteur de l’immense Les Liaisons dangereuses ?), Condorcet, Robespierre, Camille Desmoulins, Saint-Just, Gracchus Babeuf (la Révolution française fut largement picarde !), les romantiques Sainte-Beuve, Marceline Desbordes-Valmore (une femme, enfin ! poète magnifique originaire de Douai, célébrée par ses contemporains auteurs), Gérard de Nerval, Alexandre Dumas, sans oublier les scientifiques Joseph Delambre, Lamarck, Boucher de Perthes, le visionnaire Jules Verne et au XXe siècle : Roland Dorgelès, Pierre Jean Jouve, Pierre Mac Orlan, Georges Bernanos, Paul Claudel… Et tant d’autres... La liste est longue, et la liste est belle !
L’intérêt de Jacques Darras pour ces questions n’est pas nouveau. Tout Picard que j’étais… complète une trilogie commencée en 1985 avec La Forêt Invisible (Ed. Trois Cailloux) et poursuivie en 2017 avec Du cloître à la place publique. Poètes médiévaux du Nord de la France XIIe/XIIIe siècle (Poésie/Gallimard). Que l’on ne se méprenne pas, l’écrivain s’emploie à éclairer la Grande Picardie d’une lumière légitime, sans jamais céder au repli sur soi. S’intéresser à ses propres racines, ou à celles de ceux que l’on tient en estime, n’a jamais empêché personne de se projeter dans l’avenir. C’est à une fête joyeuse que Jacques Darras, chercheur et passeur, nous convie en cet automne 2020 (comme nous en avons besoin !), "avec le sentiment d’imprimer dans nos mémoires le beau nom de Picardie".