Pierre Desbureaux enseignant à la retraite, consacre depuis 1995 une partie de son temps à l'histoire sociale de la Picardie. Nous l'avons rencontré à la Librairie du Labyrinthe pour évoquer La Pauvreté en Picardie, de 1789 à 1936 (Ed. Librairie du Labyrinthe).
Définir la pauvreté n'est pas une tâche aisée. Charles Péguy considérait qu'il fallait distinguer misère et pauvreté. On peut ainsi distinguer la pauvreté absolue, le manque de ce qui est vital, et la pauvreté relative qui évolue selon les époques et les perceptions de chacun.
Pierre Desbureaux souligne que les victimes de la pauvreté n'ont pas laissé de témoignage direct. On a beaucoup écrit sur elle, sans être jamais tout à fait concerné, ce qui donne aux textes sur le sujet un caractère forcément subjectif.
Les recherches de Pierre Desbureaux se sont appuyées pour l'essentiel sur la presse, les ouvrages des écrivains de l'époque, et sur les cahiers de doléances. Ces cahiers étaient des registres dans lesquels les assemblées chargées d'élire les députés aux États généraux, notaient vœux et doléances. L'usage en remontait au XIVe siècle. Les cahiers de doléances les plus révélateurs sont ceux de 1789.
À travers le prisme de la pauvreté, Pierre Desbureaux dessine une histoire sociale de la Picardie. On commence avec la Révolution qui, dans l'attente que s'installe un ordre nouveau, fragilise la condition des pauvres. En effet, la confiscation des biens du Clergé qui jusque là leur venait en aide, aggrave la situation. La conception d'un Etat-Providence émerge peu à peu, mais les pauvres créent le malaise et sont encore perçus comme un danger dont il faut préserver la société.
Ainsi, ateliers de charité, dépôts de mendicité, hôpitaux, étaient les lieux où on concentrait la misère faute pour les pouvoirs publics, de vouloir ou de pouvoir y porter remède.
Au XIXe Siècle, l'industrialisation bouleverse la structure de la société française. La classe ouvrière fait son apparition avec son corollaire : la misère ouvrière. Peu à peu, les pauvres ne sont plus perçus comme des individus, mais comme une catégorie. La lutte contre la pauvreté se manifestera de plus en plus comme une lutte des classes qui concerne tous ceux qui appartiennent à l'univers des exploités
. Les penseurs marxistes précisent cette conception. Le pauvre qui n'appartient à aucune classe voit son isolement renforcé.
Pierre Desbureaux se penche sur les problèmes majeurs des pauvres : la faim et le logement. Si les pauvres ne souffrent pas tous de la faim, sa menace rôde continuellement, d'autant plus que le prix des denrées est élevé pour les bas salaires. Les femmes et les personnes âgées sont particulièrement exposées. A la fin du XIXe, la viande et le beurre sont des denrées de luxe pour la majorité.
Les pauvres s'entassent encore en outre dans des taudis ou des masures insalubres, comme dans le quartier Saint-Leu d'Amiens. Les conditions sanitaires déplorables dans ces quartiers ont des conséquences dramatiques sur la santé de leurs habitants bien entendu. En 1888 la tuberculose et les autres maladies pulmonaires (pneumonies et bronchites) étaient la cause de plus de la moitié des décès dans la Somme.
A la fin du Siècle, le patronat cherchant à fidéliser une main d'oeuvre volatile, se lance dans une vaste entreprise de construction de logements accessibles aux ouvriers, ou d'amélioration de l'habitat existant. C'est l'époque du paternalisme et de la création par le patronat de magasins de vente aux salariés.
Peu à peu, la classe ouvrière s'organise afin d'obtenir de meilleurs salaires. Le droit syndical (1884) donne son efficacité au droit de grève (1864) et des mouvements parfois violents sont conduits notamment dans l'industrie textile. Le mouvement coopératif prend son essor.
La crise des années 30 frappe durement les travailleurs pauvres, sans épargner le monde rural. Le chômage atteint son niveau maximum en 1935. Des mouvements de grève gigantesques s'étendent dans la France entière. Le Front Populaire de Léon Blum remporte les élections en 1936. Les occupations d'usine en région parisienne notamment, précipitent la signature des accords de Matignon. Une vague de grèves déferle alors sur la Picardie. Des grèves tardives et violentes qui gagnent les campagnes.
La signature des accords de Matignon prévoit notamment un réajustement des salaires à la hausse, deux semaines de congés payés ou la création des conventions collectives. La patronat, industriel et agricole, résiste fortement. Le gouvernement doit mettre un frein aux réformes sociales.
Aujourd'hui, qui plus est dans un contexte de crise internationale, Pierre Desbureaux évoque un recul de la pauvreté absolue même si elle n'a pas disparu, mais une progression de la pauvreté relative...
Quoiqu'il en soit des chiffres, des enquêtes, des études et des critères, quoi qu'il en soit aussi des causes de la pauvreté, il reste qu'à travers les siècles et jusqu'à nos jours, persiste, sous différentes formes, un mal social qui voue à la souffrance et au malheur des pans entiers de la population.
(P. Desbureaux)
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L'Académie des Sciences, Lettres & Arts d'Amiens
Reportage à la minute 16 de l'émission
L'Académie des Science, Lettres et Arts d'Amiens existait depuis février 1746, sous le nom de Société littéraire. A l’origine, composée de 16 membres, elle accueille Jean-Baptiste-Louis Gresset, poète et dramaturge natif d'Amiens en 1749.
L’auteur de Vert-Vert (1733) s'est fixé à Paris en 1735 et a donné avec succès au théâtre Le Méchant en 1746. Ayant été reçu à l’Académie française en 1748, alors âgé de quarante ans, il est donc en pleine gloire.
Revenu à Amiens pour y résider, il représente auprès du duc de Chaulnes, du ministre et même du roi, une influence considérable. La Société Littéraire le comprend et propose, dans sa séance extraordinaire du 4 octobre 1749, de lui offrir une place en son sein. La Société obtient le 30 juin 1750, les Lettres patentes tant convoitées qui lui confèrent le statut d’Académie.
Par déférence à l'égard de l'Académie française, le nombre de ses membres titulaires est fixé à 36. Son sceau représente le Temple de l'Immortalité sur la cime d'une montagne escarpée avec ces mots de Virgile : « Tentanda via est ».
Aujourd'hui, les membres de l'Académie se réunissent chaque mois en séance privée dans le pavillon Sud de la bibliothèque Louis Aragon, sauf en janvier où la séance est publique. Ils y entendent une communication de l'un d'eux sur un sujet de son choix.
L'Académie d'Amiens s'associe à la vie intellectuelle et artistique de la ville par sa séance publique annuelle et par les réceptions solennelles de ses nouveaux membres. Depuis 1983, elle organise, sous forme de concours, une exposition annuelle d'arts plastiques.
En 2002, elle a créé sous l'impulsion de Marie-Louise Alexandre, son Premier Grand Prix musical reconduit tous les ans et destiné à récompenser le talent confirmé d'un jeune musicien méritant.
Ce grand Prix permet au lauréat de recevoir une dotation financière qui l'aide à poursuivre sa carrière artistique. C'est Diane Segard, harpiste qui l'a remporté en 2009.
Les travaux de l'Académie sont publiés dans un volume de Mémoires qui paraît périodiquement. Le dernier et 76ème opus porte sur les années 2007-2008.
Il est disponible auprès des librairies Martelle et Evrard à Amiens, ou par correspondance à l'adresse suivante : Académie des Sciences, Lettres et Arts d'Amiens Bibliothèque Municipale 50 rue de la République BP 60452 80050 AMIENS cédex 1 academie-amiens@free.fr