Comme son nom l’indique sans méprise possible, Dites-moi des choses tendres (Ed. Eyrolles) de Cécile Hennerolles est un roman d’amour ! Après deux livres jeunesse, Vladimir et Clémence (Grasset, 2015), et Les enfants terribles de Bonaventure (Magnard jeunesse, 2019), l’autrice, qui vit à Amiens, se penche dans cet ouvrage sur l’épineuse question du sentiment amoureux à travers cinq parcours qu’elle entremêle adroitement. Un roman choral qu’il n’est pas évident de commenter puisqu'aucun personnage du livre n’est jamais nommé ! Ils sont d’âges différents, unis par un lien familial et ont tous en commun d’être bousculés par l’amour à ce moment de leur vie.
Par ordre d’apparition dans le livre, voici les cinq histoires qu’il nous est offert de suivre. Celle du garçon dont le cœur bat pour Odessa, "la plus belle fille de l’école, toutes classes confondues". Celle de la femme de trente-huit ans prise au piège d’une relation toxique. Celle du couple qui fête ses cinquante ans d'union et dont l’amour est toujours intact. Celle de l’autre couple, des quadragénaires dont le mariage prend l’eau après vingt ans de relation et trois enfants. Et celle de deux jeunes célibataires qui font connaissance à la laverie après de douloureuses ruptures.
Chaque chapitre est consacré à l’une ou l’autre de ces trajectoires, et il appartient au lecteur de découvrir dès les premières lignes de qui il va être question. L’exercice n’est pas très difficile, le livre est suffisamment bien construit pour que l’on ne s’y perde pas, mais ce parti pris est original. Les titres des chapitres le sont également, Ceux qui habitent la même sorte de fêlure, Jalouse, Ses cinquante-quatre grains de beauté ou Anomalie dans la supply chain ne manquent pas de faire sourire ou d’interpeller. Il faut préciser que l’autrice travaille dans le domaine de la communication en dehors de ses activités littéraires.
Scénic, Tinder, garde alternée, sms ou free hugs, Dites-moi des choses tendres est ancré dans notre époque. Dans une langue contemporaine teintée d’humour, Cécile Hennerolles prend le pouls de personnages qui nous ressemblent. Sans jugement, avec bienveillance, elle décortique leurs choix et les émotions qui les animent. Comment, par exemple, on peut tomber sous l’emprise d’un pervers narcissique : "Il était mauvais pour elle, pourtant elle ne pouvait s’empêcher d’y retourner. La femme indépendante et libre qu’elle avait été mourrait d’envie de mettre des beignes à celle qu’elle était en train de devenir." Ou comment un mariage, en apparence parfait, finit par se déliter : "Un jour, son quotidien s’était mis à suinter. Ce n’était pas clairement identifiable. Pas précisément datable non plus. Quoiqu’il en soit, un jour, ça s’était mis à suinter."
Lors d’une séance de dédicaces à la librairie Pages d’encre d’Amiens, le 7 décembre 2019, Cécile Hennerolles explique qu'à l'origine, son roman était un projet photographique. Ses textes devaient accompagner des images d’inconnus pris sur le vif. Le projet ne s’est pas concrétisé mais elle en a conservé l’esprit pour le livre. Dites-moi des choses tendres (Ed. Eyrolles), dont le titre renvoie à la chanson de Lucienne Boyer, Parlez-moi d’amour (1930), est une belle photographie justement, de l’amour à tous les âges et dans tous ses états, du plus solide au plus balbutiant.