144 pages
Éditions La Contre Allée
Format : 13,5 x 19 cm
EAN : 9782376650553
17 janvier 2020 - Prix 16 €

Quatrième de couverture : "À force de rêver à du cul politiquement correct, on s'empêcherait presque de jouir. Quand cesserons-nous d'avoir peur de nous-mêmes ?"

"Inutile de le nier, nous sommes devenus ce que j’ai fui : une famille. Presque sans faire exprès", constate la narratrice de À mains nues (Ed. La Contre Allée). Les faits sont là, indiscutables. Elle a "réussi à construire quelque chose, et ce n’était pas gagné."  Le couple, un petit garçon à élever, la trentaine et quelques cheveux blancs… mais où en est-elle vraiment ? Où en sont ses propres besoins, ses combats ? "Soudain, j’ai envie de retourner vers la petite fille que j’ai été, rendre visite à l’adolescente et à la jeune femme qui furent en moi", indique-t-elle. Regarder en arrière, confronter le passé au présent, interroger sa féminité à différentes périodes de la vie, tel est le projet littéraire d’Amandine Dhée.

La narratrice se souvient de ses premiers émois, de son impatience à devenir femme, de l’époque où "elle se souhaite un mariage et beaucoup d’enfants", du collège où "elle aimerait beaucoup qu’on pose sur ses épaules un bras de propriétaire", "des interminables galoches dans la pénombre à l’entrée de l’immeuble", de "son dépucelage, pure performance sans attache", du temps où "elle veut bien se passer de couple, mais pas de sexe", du moment où "elle se remet à aimer, à faire confiance"

Au fur et à mesure de ses allers et retours entre hier et aujourd’hui, entre le "elle" extrait de la mémoire, et le "je" du temps présent, il apparaît que tout est lié. La femme n’a pas davantage balayé l’adolescente que l’adolescente n’avait balayé la petite fille. L’enfant survit chez la femme devenue mère,  "elle a toujours cette satanée gosse en bandoulière, pas calmée". Mais elle avance, reconnait les failles, les peurs, pointe les contradictions avec clairvoyance et autodérision.

Lecture : À mains nues d'Amandine DhéeLecture : À mains nues d'Amandine Dhée

Pendant ce temps, la société avance elle aussi. L’engagement féministe, la déferlante Me too - "Du silence en moins. La peur qui change de camp, pour une fois" -, les cercles de parole… chez Amandine Dhée, le récit intime ne fait jamais l’économie du collectif. Au-delà du "elle" et du "je", il y a le "nous" bien sûr, qui se profile. "Nous, nuancier infini." Dans ce domaine également, la narratrice comprend les pièges : "Tout groupe est porteur de morale, de rapports de force, d’exclusion possible, les féministes comme les autres". L’enjeu suprême sans doute, c’est la liberté. La liberté d’être soi, de résister aux injonctions, de respecter ses désirs. Les chances d’y parvenir seront d’autant plus grandes que le constat sera lucide : "Nous sommes tous fabriqués. C’est seulement quand on l’a reconnu que l’on peut s’inventer un peu. Rêver aux possibles."

Après La Femme brouillon (Ed. La Contre Allée, 2017), ouvrage dans lequel elle se penchait avec acuité sur la grossesse et la maternité, Amandine récidive sur le même mode. L’analyse est fine, l’humour incisif, le langage précis et sans tabou. Sous sa plume, rien n’est tout blanc ni tout noir : on ne juge pas à l’emporte-pièce. On ne se dérobe pas non plus devant la complexité des choses. Conjuguant pertinence du propos et impertinence du ton, À mains nues dit sans doute tout haut ce que des cohortes de femmes pensent encore tout bas.

 

"J’ai besoin de m’arrêter quelques secondes et de me poser la question : qu’est-ce que tu veux, toi ? Je laisse alors retomber ce qui trouble mon eau et j’extirpe mon désir à mains nues. Je le défends."
Tag(s) : #Lectures

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