« Je me suis débarrassée de presque tout. De la famille, du mariage, du travail, des appartements, des choses, des êtres. C’est ce que j’ai fait ces dernières années, me débarrasser. » Nom (Flammarion) de Constance Debré.
La compagnie Je t’embrasse bien (Aubervilliers), présentait au public sa nouvelle création du 16 au 19 janvier 2024 à la Maison du Théâtre d’Amiens. Une adaptation de Nom (Flammarion, 2022), le troisième roman de Constance Debré, dans une mise en scène d’Hugues Jourdain. La romancière dit « Je » et revient, dans ce livre coup de poing, sur son enfance, ses « parents camés », sa rupture avec sa famille de ministres, le dénuement choisi : « Avec n’importe quels parents j’aurais écrit le même livre. Avec n’importe quelle enfance. Avec n’importe quel nom. Je raconterai toujours la même chose. Qu’il faut se barrer. » Elle y raconte son père mourant – le journaliste et écrivain François Debré – qu’elle accompagne jusqu’à la fin. « Tout ce qu’il reste de l’enfance dans ma vie, c’est lui, son oxygène, son Subutex et ses maladies dans la maison de Touraine qui s’effondre. »
C’est la première fois qu’est porté au théâtre un texte de Constance Debré pour qui « être libre c’est le vide, ce n’est que ce rapport avec le vide. » La mise en scène d’Hugues Jourdain est fidèle à ce dépouillement qui laisse la langue se déployer dans sa toute-puissance. Seule en scène sur un plateau quasi nu, Victoria Quesnel est extraordinaire. Il y le texte, sa radicalité, des phrases qui bousculent, ne cèdent rien ni à la bienséance ni à la bien-pensance. Et il y a la présence de la comédienne, solide et subtile à la fois, assumant chaque mot avec une justesse saisissante. Sa rage prend aux tripes. La salle est pétrifiée sous l’assaut de sa colère, sourit de sa désinvolture, s’émeut de ce qu’elle traverse, de son absolue vérité. La pièce sera jouée au Théâtre du Rond-Point à Paris du 19 mars au 6 avril 2024.
[Photos spectacle © Simon Gosselin – Photo Constance Debré © Marie Rouge/Flammarion]