Alain Bentolila à Amiens pour les Nuits de la lecture

« Osez le livre : de l'apprentissage de la lecture à la conquête du livre », conférence d’Alain Bentolila à la bibliothèque Louis Aragon d’Amiens le 19 janvier 2024 lors des Nuits de la lecture. Linguiste auteur d’une vingtaine d’ouvrages, Alain Bentolila est professeur à l'université Paris-Descartes. Il est à l’origine du Réseau des Observatoires Locaux de la Lecture (ROLL), dispositif de prévention de l’illettrisme.

Alain Bentolila : « La langue française repose sur des règles qui ne peuvent pas être jetées. Ce qui est en jeu dans la maîtrise du langage, ce n’est pas le bien parler, c’est le juste parler. Si on veut que les enfants de France, d’où qu’ils viennent, ne soient pas manipulés, nous leur devons une langue française juste et forte, parce que nous leur devons une capacité d’analyse et de questionnement, sans quoi ils seront soumis...

Il y a 3500 ans, l’homme invente l’écriture, il commence à tracer des signes sur des tablettes d’argile. Je pense que si les hommes ont décidé d’écrire, c’est parce qu’il y a eu dans leur intelligence collective, cette prise de conscience formidable – qui nous distingue des animaux : « j’ai conscience d’être quelqu’un de singulier, d’exister de façon singulière et j’ai conscience que cette existence singulière aura une fin inéluctable ». C’est dans cette terrifiante équation que se situe notre humanité. L’écriture est née comme la seule réponse à l’absurdité d’une vie qui s’achève et à la dilution de l’existence. C’est la trace qui dit : je suis et j’ai été. J’écris donc je suis...

La vérité de la lecture se situe à l’intersection de la fluence et de la pédagogie de la compréhension. Il faut apprendre à comprendre. Beaucoup d’enfants souffrent du syndrome de l’écran noir. Ils sont incapables de se faire des images mentales à la lecture d’un texte. Cette question doit être prise en compte très tôt. Lire, c’est se faire des images dans sa propre tête, à partir des mots d’un autre. C’est la magie de la lecture. Mais il faut de la patience. Il ne faut jamais réduire la lecture à quelque chose d’anodin. Elle est au cœur de notre humanité. »