Romain Villet, pour l’amour du jazz et d’Oscar PetersonRomain Villet, pour l’amour du jazz et d’Oscar Peterson

Cinq ans après Look, son premier roman paru aux éditions Gallimard, Romain Villet publie My Heart Belongs to Oscar (Ed. Le Dilettante), un recueil de trois textes qui clament sa passion pour le jazz en général, et pour Oscar Peterson en particulier. Samedi 4 mai 2019, l’écrivain-pianiste était à la librairie du Labyrinthe d’Amiens en compagnie de la jeune chanteuse Manoah (candidate de l’émission The Voice en 2017) pour présenter son livre et en lire des extraits, en musique naturellement.

My Heart Belongs to Oscar (clin d’œil appuyé à My Heart Belongs to Daddy, standard écrit en 1938 par Cole Porter pour la comédie musicale Leave it to me, créée à Broadway en 1938) est la version étoffée du texte d’un spectacle hybride - entre concert et conférence badine - que Romain Villet joue sur scène avec Émilien Legendre (batterie) et Olivier Michel (contrebasse). Le trio se produit à Paris jusqu’au 26 mai 2019 au Théâtre de l’Ile Saint Louis.

Romain Villet, pour l’amour du jazz et d’Oscar PetersonRomain Villet, pour l’amour du jazz et d’Oscar Peterson

Dès les premières pages du livre, le ton est donné : "Ce n’est pas parce qu’un aveugle parle d’artistes noirs que ça doit l’exonérer du devoir d’être clair." Romain Villet, qui a perdu la vue à l’âge de quatre ans, n’a pas l’intention de se prendre au sérieux ni d’endormir son auditoire ou ses lecteurs. C’est bien le partage qui est au cœur de sa démarche. Son petit livre (77 pages) est le récit d’une très grande histoire d’amour pour le "géant noir d’origine canadienne" qui a bouleversé sa vie. "Comment grâce à lui j’ai découvert le jazz et comment le piano est devenu le lit où n’en finissent plus de s’écouler nos amours torrentielles".  

Alors pianiste classique, Romain découvre Oscar Peterson (1925-2007) à la fin des années 90, grâce à Emma, son amoureuse de l’époque qui chérit le jazz. "L’amour, c’est la route qui mène à de grandes découvertes, sur laquelle on se laisse mener par le bout du… nez." Quand le couple se rend chez le professeur de jazz de mademoiselle, celui-ci explique honnêtement que "le jazz ne s’apprend pas ou, du moins, pas dans les livres silencieux, pas dans des amphis studieux et des cours bavards. Le swing ne s’explique pas, il s’imite et s’incorpore. C’est une affaire d’imprégnation, d’incubation. C’est un virus qui s’attrape au contact direct de la chose, il s’inocule par les oreilles, autant dire qu’il s’inauricule."

Romain Villet, pour l’amour du jazz et d’Oscar PetersonRomain Villet, pour l’amour du jazz et d’Oscar Peterson

Quelques jours plus tard, Romain Villet encore novice, s’arrête chez un disquaire. Au moment de choisir un CD, il se souvient de La boîte de jazz (1985) de Michel Jonasz épris de "tous les standards d’Oscar Peterson". Son choix s’arrête donc sur un disque du "grand maharadja du piano" en trio, au festival de Montreux 1977. À quoi tiennent les rencontres décisives ? "Coup de grâce, coup de foudre, coup de pouce ou coup de pied au cul, je ne sais plus bien mais avec You look good to me, je bascule et je plonge dans le jazz. C’est une révolution à laquelle j’étais bien loin de m’attendre."

My Heart Belongs to Oscar est un livre-hommage qui swingue, dans lequel Romain Villet se raconte (un peu) sans se la raconter (du tout). Les béotiens découvriront en souriant ce que sont "un saucisson", "un mélodica", ce que signifie "relever un chorus" ou bien qu'"improviser c’est créer de l'éternellement neuf dans l’instant avec toujours les mêmes histoires." Jouant avec les mots comme avec les notes, le pianiste nous apprend que "« Le trio Oscar Peterson » est l’anagramme de « piano très très coloré »", et n’hésite pas à convoquer Roland Barthes pour affirmer "qu’improviser c’est habiter une structure au présent."
 

Romain Villet, pour l’amour du jazz et d’Oscar PetersonRomain Villet, pour l’amour du jazz et d’Oscar Peterson

Le présent, c’est bien la grande affaire du jazz. "Aux fanatiques du futur, aux conservateurs qui ne jurent que par la tradition, l’âge d’or regretté et le bon vieux temps perdu, il répond : « Présent ! Maintenant ! Pas un instant à perdre.»" À la librairie du Labyrinthe le 4 mai, entre les mots, les notes de Romain et la voix de velours de Manoah, il n’était pas question d’autre chose.

 

« Le swing : cet art de sauter de syncope en syncope, cette très élégante manière de rebondir souplement sur le contretemps. Le swing, c’est prendre en souriant et au sérieux le présent qui se présente, c’est l’épouser par amour. »
Tag(s) : #Coups de coeur et curiosités

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