Porté par l’association La Lettre P, le projet collectif The Parisianer, dont la direction artistique est assurée par Michael Prigent et Aurélie Pollet, fédère 150 artistes autour d’un concept qui consiste à imaginer les couvertures d’un magazine fictif dédié à la ville de Paris.
Après deux ouvrages parus en 2014 et 2017, The Parisianer s’associe avec le Muséum national d’Histoire naturelle pour proposer un beau-livre de 64 pages intitulé The Parisianer. Chroniques du Muséum (Ed. du Muséum national d’Histoire naturelle) paru en mars 2021. Une exposition présentée au Jardin des Plantes permet de découvrir en très grand format les vingt-et-une illustrations du livre jusqu’au 13 octobre 2021.
Camille Aulas et François Aulas ont rédigé les textes des vingt chroniques qui composent l’ouvrage. Situées en page de gauche, elles sont illustrées chacune par une couverture The Parisianer, en vis-à-vis sur la page de droite. Une vingtaine d’artistes de tous horizons se sont prêté au jeu : Alexandre Clérisse, Cruschiform, Dugudus, Fräneck, Lucas Harari, Martin Jarrie, Roxane Lumeret, François Maumont, Catherine Meurisse, Philippe Mignon, Virginie Morgand, Aurélie Pollet, Clémence Pollet, Emiliano Ponzi, Michael Prigent, Lou Rihn, Brecht Vandenbroucke, Clément Vuillier, Yifan Wu, Keiji Yano. Brecht Evens a réalisé l’illustration de couverture.
L’objet-livre est tout à fait réussi. La mise en page des chroniques, la typographie, le choix des archives (photographies, gravures…), les quelques schémas… tout concourt à rendre la lecture agréable et enrichissante. Les auteurs ont choisi de diversifier les approches. Les chroniques se présentent ainsi sous des formes variées : texte narratif, interview, rapport secret ou compte-rendu de mission, par exemple. Les couvertures The Parisianer illustrent chaque thème avec l’originalité inhérente à l’univers et aux techniques des artistes, visiblement inspirés par leur sujet.
"Cet ouvrage, qui mêle rigueur des informations scientifiques et fantaisie de la forme, en particulier des illustrations, est un tremplin vers un imaginaire nécessaire", peut-on lire en préambule du livre. Il est vrai que l’’imagination donne souvent aux scientifiques l’élan indispensable à leurs découvertes. La première chronique, Avis de grand froid, met en scène un entretien d’Antoine Laurent de Jussieu, médecin qui participe à l’Encyclopédie initiée par Diderot, avec Voltaire "qui mène désormais grand train en son château de Ferney". Au sujet des caprices du climat, le philosophe explique : "il a fallu réagir et l’adversité inspire". Sur la couverture The Parisianer de Yifan Wu, en date du 24 décembre 1768, la capitale doit faire face au Petit Âge glaciaire !
Plus loin, on évoque la découverte de la reproduction sexuée des plantes par Sébastien Vaillant (1669-1722), le botaniste du Jardin royal, attentif à un pistachier qui ne donne pas de fruits. Martin Jarrie, qui s’y connaît en règne végétal, était particulièrement indiqué pour l’illustration de cette chronique. Autre épisode de la vie du Muséum, la cérémonie d’inauguration, au sein de la galerie de Paléontologie, du Diplodocus carnegii surnommé "Dippy", moulage de vingt-sept mètres de long et quatre mètres de haut, offert pour le riche Américain Andrew Carnegie en 1908. L’illustration de François Maumont en fait un moment savoureux !
La chronique intitulée Le Musée fait de la résistance rappelle comment les ethnologues et anthropologues du musée se sont engagés contre le nazisme. En fondant notamment la revue Races et racisme, opposée entre 1937 et 1939 à "la théorie de la supériorité d’une prétendue race aryenne." Puis en créant un "Comité national de salut public" clandestin qui prétend être une société littéraire : Les Amis d’Alain-Fournier, pour ne pas attirer l’attention des Allemands. L’ethnologue Boris Vildé dit Maurice, est la cheville ouvrière du réseau. Il est fusillé le 23 février 1942 au Mont-Valérien après avoir été dénoncé par un agent de la Gestapo infiltré.
Certaines des Chroniques du Muséum nous plongent dans le passé, d’autres sont tournées vers l’avenir. Dans Homo Spaciens, les auteurs imaginent la rencontre avec une colonie humaine de mille personnes abandonnée sur la planète mars "à la suite du bombardement météoritique catastrophique de 2098". Il faut lire le livre pour découvrir de quelle manière ces individus coupés de la Terre depuis près de mille ans ont évolué… Sur l’illustration de Brecht Vandenbroucke, datée du 21 juin 3107, ils ne manquent pas de charme !
Le Muséum national d’Histoire naturelle aujourd’hui réparti sur treize sites, à Paris, en Île-de-France et en région, se révèle dans le livre sous de multiples facettes. The Parisianer. Chroniques du Muséum, lui rend hommage et à travers lui, à la science et à toutes celles et ceux qui œuvrent afin de la faire progresser. L’ouvrage met aussi en valeur la créativité des artistes dont le talent, l’humour, la poésie, agrandissent le monde.