"Parole de Claire à Jean-Baptiste. Vis, aime, parle, chante, respire." Rivière (Ed. Cours toujours) de Lucien Suel

La maladie a emporté Claire le 23 octobre 2001. "Ailleurs. Dans la béatitude des moissons du ciel, pourquoi pas ?". Son mari, Jean-Baptiste Rivière, vit désormais seul avec le chien Alpha qu’elle n’a pas connu ; ils n’ont pas eu d’enfants. Le lien n’est pas rompu entre les deux amants qui s’aimaient follement. La mémoire est vive chez Jean-Baptiste, il ressasse ce qu’ils ont partagé : leur jeunesse hippie, l’Ardèche, les festivals, Rome, la lutte contre le cancer… "Il sait qu’on ne revient pas en arrière. Il essaie malgré tout de tenir les fils du passé, de rester debout dans les brumes du temps."

Ce que Jean-Baptiste ignore, c’est que Claire s’adresse à lui, "présente absente, âme flottante, ange clair-obscur". Le lecteur l’entend lui, elle s’attarde à ses côtés. "Tout n’a pas été détruit en moi. Un noyau est demeuré. Même si je ne m’entends pas, je suis poussée à parler. Le lien entre nous est ténu." Jean-Baptiste vend leur maison de Béthune. Il se retire dans un endroit où il ne connaît personne, à la campagne, au bord de la rivière. "Dans cet état de chagrin, il faut trouver quelque chose à faire, s’occuper les mains pour maîtriser le cœur. Le jardin s’y prête." Sur Twitter, il entretient une conversation qui le réjouit avec DarkDada, "sans doute jeune dadaïste sombre pirate anarchiste". D’autres rencontres l’aident à se remettre en marche.

 

 

Entre le passé disparu, la présence diaphane de Claire "amoureuse en allée", et le quotidien de Jean-Baptiste, Lucien Suel tisse un texte magnifique sur le deuil, (bien) édité chez Cours toujours en mars 2022. Le poète-jardinier de l’Artois reste une voix lumineuse et singulière, à rebours de notre époque pressée et autocentrée. Sa langue de romancier s’arrime au plus près de l’âme, de deux âmes ici, liées l’une à l’autre par trente-trois ans d’un amour profond.

Tag(s) : #Chroniques Flash

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