Sortir au jour d'Amandine Dhée

« J’aimerais tellement réussir à prendre de la distance, accepter, m’injecter de la philosophie en intraveineuse. La plupart du temps, je parviens à ériger de fragile barrages, mais parfois : tsunami d’angoisse. Les plus grandes joies sont talonnées par la peur. » Sortir au jour (La Contre Allée) d’Amandine Dhée.

Le dernier livre d’Amandine Dhée commence à l’hôpital, où le jeune garçon de la narratrice doit subir des examens cardiaques. Tout est normal, selon le cardiologue. Pourtant, la peur a fait son chemin. La peur de perdre les êtres chers. « La naissance de ma petite fille avait de nouveau ouvert la brèche ». Comment donc s’en débarrasser ? La regarder en face ?

Par hasard, Amandine rencontre Gabriele. « Le métier de Gabriele, c’est d’être là quand la catastrophe a eu lieu. Elle travaille avec les morts. » Thanatopractrice : une profession dont on parle peu, encore moins au féminin. Dans son récit, Amandine fait entendre sa parole à la première personne. « C’est le mari d’une copine qui m’a parlé du métier de thanatopractrice. Cela a tout de suite résonné en moi. Je ne sais pas ce qui m’a attirée exactement. Le fait d’approcher les morts ? La transgression ? » Gabriele, bac + 5 en communication internationale, s’est reconvertie vers 30 ans. « Je ne subis pas ce métier », assure-t-elle. Elle le raconte avec douceur et simplicité. Quelques extraits de l’émission Vis ma vie de 2002 « Thanatopracteur : la mort, c'est son métier ! » viennent s’ajouter au texte.

Dans Sortir au jour (traduction du titre du Livre des morts des anciens Égyptiens), Amandine Dhée questionne son rapport à la mort (et le nôtre), à la généalogie familiale (« Je veux expliquer sa famille à mon enfant, péter la gueule aux fantômes, comme on chante pour traverser une forêt obscure. »), et se souvient de l’amie malade partie trop tôt. Avec le naturel, la clairvoyance et l’humour qui la caractérisent, l’écrivaine lilloise ose se pencher sur la mort et le deuil. Son livre est, au final, un hymne à la vie et à ce qui nous lie. [Photos : Foire du Livre de Bruxelles, 01.04.23]